mercredi 25 novembre 2015

Une réunion à Paris

Dans le même esprit que ce que j'ai décrit dans mon précédent post, je propose à tous les étudiants africains en sciences actuellement en Île-de-France de participer à une réunion de créativité autour d'un projet de site Web d'informations sur la recherche scientifique et technologique menée en Afrique. Ce site leur est destiné, ainsi qu'à leurs collègues qui vivent en Afrique francophone. Ils ont donc particulièrement leur mot à dire.

Cette réunion aura lieu
mardi prochain, 1er décembre 
 à l'Institut Henri Poincaré, salle 01
de 16 heures à 18 heures. 

L'institut Henri Poincaré est au 11 rue Pierre et Marie Curie, dans le 5e arrondissement de Paris, sur le campus qui abrite aussi, entre autres, l'Ecole nationale supérieure de chimie de Paris et des locaux de l'Institut Curie. C'est le premier bâtiment sur la droite dans la cour.

J'y présenterai plus en détail le projet, ainsi que les premiers résultats de l'enquête sur le contenu du site. Et nous débattrons de différents aspects, dans une ambiance informelle. Si vous êtes originaire d'un pays africain, étudiant/es en science, que vous êtes concernés par l'information sur la science et la technologie du continent, n'hésitez pas à venir. N'hésitez pas non plus à inviter autour de vous toutes les personnes qui pourraient se sentir concernées.

La participation est libre, et vous pouvez vous décider au dernier moment. Mais l'organisation sera facilitée si vous voulez bien signaler votre venue, à l'adresse science.en.afrique@gmail.com

Cette réunion est organisée avec l'aide de l'Association pour la promotion scientifique de l'Afrique (APSA).

A bientôt!

Enquête

Depuis un mois et demi, je propose sur ce blog des informations sur la recherche scientifique produite en Afrique. Comme je l'ai indiqué sur la page "A propos de ce blog", ce n'est pas un simple exercice académique. Ce blog sert de teste et de "tour de chauffe" à un projet plus important dédié à la vulgarisation de la recherche scientifique et technologique produite en Afrique. Ce projet, qui prendra la forme d'un site Web, sera d'abord destiné à des internautes africains : les étudiants universitaires en science des pays d'Afrique francophone, ainsi que leurs enseignants, du secondaire et du supérieur.

L'objectif : soutenir le développement de la science et de la technologie en Afrique. De nombreuses initiatives sont conduites aujourd'hui sur le continent, par les pouvoirs publics ou par des organisations privées. Elle ne réussiront pleinement et ne dureront que si une bonne partie des populations concernées est informée de leur existence et de leurs résultats scientifiques, technologiques et humains.

Les grandes lignes de ce site sont tracées, mais pour l'adapter au mieux à son futur lectorat (enfin, il ne devrait pas y avoir que de la lecture), j'ai besoin du concours d'un maximum d'entre vous. J'ai produit une enquête en ligne, afin de mieux connaître les souhaits des personnes concernées. Plus cette enquête aura de réponses, plus elle sera significative.

La remplir ne prend que quelques minutes. En diffuser l'adresse autour de vous, à peine plus. je compte sur vous!

L'enquête est ici : http://bit.ly/1k3Zzn5

lundi 16 novembre 2015

Archéologie des migrations

Jeudi 12 et vendredi 13 toute la journée, j'ai assisté au colloque Archéologie des migrations organisé par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) au Musée national de l'histoire de l'immigration, à Paris. L'ensemble de ce colloque a été filmé, et les communications seront visible en principe d'ici quelques semaines sur le site web de l'INRAP. J'y reviendrai éventuellement à ce moment là, à propos de trois interventions concernant directement l'Afrique. Mais je veux en dire quand même quelques mots

D'abord, Augustin C. Holl, de l'université Paris-Ouest Nanterre, a présenté une excellente synthèse sur l'expansion bantu. Tout part d'une analyse linguistique, au milieu du XIXe siècle : une bonne partie de la moitié sud de l'Afrique est peuplée par des populations dont les langues appartiennent à la famille bantu (certaines populations du sud de l'Afrique parlent toutefois des langues de la famille khoisan).

L'idée que cette homogénéité linguistique soit due à une migration a été assez rapidement proposée. D'autant que la diffusion des langues bantu était associée à celles de l'agriculture, de la métallurgie et de l'élevage. L'origine de cette migration serait au nord-est de l'aire de répartition des langues bantu. Mais linguistes, historiens et archéologues butaient sur le trajet emprunté et la durée de l'expansion.

En résumé (je vous invite à vous reporter à la video de la communication d'Augustin C. Holl dès qu'elle sera disponible), on sait aujourd'hui deux choses :
- l'expansion des populations bantu a démarré un peu après 4000 avant le présent ;
- elle s'est produite à la faveur d'une disparition progressive de la forêt équatoriale humide, qui a été à son minimum d'expansion il y a 3 300 ans.

Les études menées notamment au Cameroun révèlent les variations des limites de la forêt équatoriale : à l'est du pays, cette forêt que l'on considère souvent comme "primaire" a en fait poussé sur des habitats humains! Ceux des Bantus qui se déplaçaient vers le sud. Une belle invitation à se méfier de ce qui nous semble avoir été là "de tout temps".

Ensuite, et je serai plus bref, Theresa Singleton, de l'université de Syracuse, aux Etats-Unis, a présenté ses travaux sur l'archéologie de l'esclavage transatlantique et de la diaspora africaine. Ou, plus précisément, comme elle le dit elle-même, des migrations forcées de populations africaines, ou originaires de ce continent, vers l'ouest.

Enfin, Krish Seetah de l'université Stanford, aux Etats-Unis, a parlé des débuts de l'archéologie à l'île Maurice. Cette île, comme de nombreuses autres dans l'océan Indien, était dépourvue de population autochtone à l'arrivée des européens, Néerlandais d'abord au XVIIe siècle, puis Français au XVIIIe siècle, enfin Anglais de 1810 à 1968. L'abolition de l'esclavage en 1933 sur l'île entraîna l'arrivée de nombreux travailleurs indiens (dont les conditions de travail n'étaient pas forcément meilleures que celles des esclaves). C'est cette histoire que tente de reconstituer Kris Seetah, avec ses collègues, en fouillant plusieurs constructions et cimetières du XIXe siècle.

Je ne peux pas terminer ce post sans évoquer les attentats de vendredi 13 à Paris. Ils rappellent tristement tous les autres attentats menés par l'Etat Islamique et ses affidés dans le monde entier. Le continent africain n'est hélas pas épargné, bien au contraire. Ils nous montrent que ce qui se passe dans les autres parties du monde nous concerne tous aujourd'hui.Le choc passé (et il y en aura d'autres), cela ne fait que renforcer ma détermination à soutenir le développement de la recherche scientifique et technologique en Afrique. Cela ne saurait suffire. Mais le développement de notre sens critique, le questionnement de nos croyances quelles qu'elles soient, leur réfutation éventuelle : voilà des ingrédients nécessaires pour un monde humain et fraternel.

dimanche 8 novembre 2015

Modéliser les bilharzioses pour mieux les éradiquer



Les réservoirs d'eau pour l'irrigation
favorisent la contamination.

Les bilharzioses sont des maladies parasitaires endémiques en Afrique tropicale et sub-tropicale. Pour prendre des mesures de lutte efficace à l'échelle de tout un pays, il faut savoir précisément comment ces maladies s'y diffusent. C'est pour répondre à cette question qu'une équipe de l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement, à Ouagadougou, au Burkina Faso, avec des collègues Suisses, Italiens et Américains a réalisé une modélisation couvrant tout le Burkina Faso. Leurs résultats soulignent en particulier que les retenues d'eau construites pour l'irrigation sont un important facteur de risque, qu'il faudra prendre en compte pour parvenir un jour à l'éradication.

Les bilharzioses sont provoquées chez l'homme par des vers du genre Schistosoma (ce qui leur vaut aussi le nom de schistosomiases). Une personne est contaminée lorsqu'elle est en contact avec de l'eau contenant des formes larvaires du ver nommées cercaires. Celles-ci pénètrent par les pores de la peau, et s'installent dans les vaisseaux sanguins, où elles se développent jusqu'au stade adulte. Les femelles pondent ensuite leurs oeufs dans des capillaires sanguins proches des intestins ou de la rate, en fonction de l'espèce.

Ces oeufs connaissent deux destins bien différents. Une partie d'entre eux créent des lésions des organes, et des réactions du système immunitaire. En bref, ils rendent malade la personne infectée, maladie qui peut aller jusqu'à la mort en l'absence de traitement.

L'autre partie des oeufs sont excrétés par les selles ou l'urine de la personne. Et s'ils arrivent dans de l'eau douce, ils peuvent pénétrer dans un mollusque, du genre Bulinus ou Biomphalaria. Celui-ci est infecté par le premier stade larvaire du schistosome, la miracidie. A l'abri dans le mollusque, les miracidies se développent en cercaires. Lorsque ces dernières sont relâchées dans l'eau, elles sont prêtes à infecter un nouvel hôte humain.

Des traitements médicamenteux existent pour prévenir le développement des schistosomes dans l'organisme. Mais sur les 261 millions de personnes qui en auraient eu besoin dans le monde en 2013, selon l'Organisation mondiale de la santé, un peu plus de 40 millions seulement en ont bénéficié. Au Burkina Faso, des campagnes massives de traitement médicamenteux ont été menées au milieu des années 2000. Mais bien qu'elles ont fortement réduit la prévalence des bilharzioses dans le pays, elles n'ont pas suffit à les éradiquer. Et surtout, dans certaines zones, cette prévalence est aujourd'hui revenue à 30%, son niveau antérieur au traitement.

Pour mieux comprendre quels sont les facteurs importants dans la diffusion de ces maladies parasitaires, les chercheurs ont donc décidé de modéliser, pour la première fois, leur diffusion à l'ensemble du Burkina Faso. Ils ont pour cela représenté le pays sous la forme de 10 592 agglomérations, et ils ont étendu un modèle déjà utilisé sur des zones géographiques restreintes. Celui-ci a la forme d'une série d'équations reliant des variables telles que la population des agglomérations, la mobilité des populations, la répartition spatiale des mollusques Biomphalaria pfeifferi (seule espèce retenue pour cette modélisation) ou encore les densités des différents stades larvaires dans l'eau.

En examinant quels sont les paramètres les plus importants pour expliquer la diffusion du parasite, et la réinfestation de zones où celui-ci est peu ou pas présent, ils se sont aperçu que la présence d'étendues d'eau est déterminante. En effet, celles-ci fournissent un habitat stable au mollusque, dont la présence est indispensable dans la chaîne de contamination. Dans un pays dont le nombre de retenues d'eau, surtout pour l'irrigation, a été multiplié par cinq depuis 60 ans, ce n'est pas anodin.

Les scientifiques font en particulier remarquer que la prévalence est généralement faible dans les zones les plus densément peuplées. Celles-ci correspondent aux zones urbaines, où il n'y a pas de maraîchage, d'agriculture ou de pêche, principales activités au cours desquelles les hommes sont contaminés. Mais elles correspondent aussi aux zones de départ et de destination des flux de déplacement les plus importants.

Ils alertent donc sur le risque de développer des retenues d'eau dans de telles zones. Le rôle de la mobilité humaine dans la réinfestation étant aussi mis en lumière par l'analyse de leur modèle, la conjugaison d'une forte mobilité et de conditions favorables au développement du parasite irait à l'encontre d'une éradication de celui-ci au niveau national.