Le réseau de téléphonie mobile
permet de mesurer les précipitations.
Les variations des signaux échangés par les antennes
relais d'un réseau de téléphonie mobile permettraient-elles de connaître les quantités de
pluie tombées dans la zone qui les sépare? C'est la question que se
sont posée Marielle Gosset et Frédéric Cazenave, de l'Institut de
recherche pour le développement, et François Zougmoré, de
l'université de Ouagadougou, au Burkina-Faso. La réponse positive
qu'ils ont apportée dans le cadre du projet Rain Cell Africa vient d'être récompensée par l'un des
Trophées de la recherche publique énergie environnement climat, décernés par l'ADEME et ReedExpositions France, qui leur a été remis mardi 13 octobre à Paris.
permet de mesurer les précipitations.
Quand il pleut, connaître rapidement
et précisément les quantités d'eau qui sont tombées sur des zones
particulières est important pour l'agriculture, pour la gestion des
réseaux d'évacuation, voire, dans des cas extrêmes, pour lancer
des alertes aux inondations. Dans les pays du nord, tels que la
France, des mesures sont réalisées à l'aide de radars, qui
couvrent l'ensemble du territoire. Mais ce type de dispositif est
coûteux, à installer et à maintenir.
Les micro-ondes utilisées par les
radar ne sont heureusement pas une exclusivité de ces dispositifs. Les
antennes relais des réseaux de téléphonie mobile communiquent
aussi en échangeant ce type de signaux.
En outre, comme l'explique François Zougmoré : « Afin
d'assurer un service de bonne qualité, les opérateurs suivent de
façon permanentes les variations de l'intensité des signaux qui
transitent entre ces antennes. Il y a de nombreuses causes
d'atténuation de celle-ci, mais la pluie est la principale. »
Lorsque les micro-ondes traversent une zone de pluie, une partie est
en effet diffusée par les gouttes liquides.
Grâce à la collaboration de
l'opérateur Telecel Faso, les scientifiques ont eu accès à ces
données techniques. Ils ont mis au point des algorithmes permettant
de remonter, presqu'en temps réel, aux quantités de pluie mises en
jeu. Puis ils ont testé la méthode, sur une distance de 29
kilomètres entre deux antennes, pendant toute la saison de mousson
de 2012.
Des relevés directs de hauteur de
pluie sur le terrain ont montré que la méthode fonctionne. Elle
permet de détecter 95% des jours de pluie, avec une erreur de
seulement 6% dans les quantités pour l'ensemble de la saison. Mieux,
les chercheurs ont démontré qu'ils avaient une bonne précision
pour une résolution temporelle de 5 minutes seulement. Ils ont
publié ces résultats en août 2014.
Leurs objectifs, aujourd'hui, sont de
deux ordres. Scientifiquement, d'abord, ils veulent encore améliorer
leur méthode. « Pour le moment, nous savons quantifier ce
qui est tombé entre deux pylônes, reprend François Zougmoré.
Mais comme il y a une distribution des pylônes sur le territoire,
nous voulons, avec des méthodes de spatialisation, améliorer la
précision sur les endroits où tombe la pluie. »
Ensuite, ils comptent bien que leur
méthode ne reste pas une curiosité. D'abord ils imaginent une
application qui permettrait aux paysans burkinabés de connaître répidement, en
envoyant un simple SMS, les quantités d'eau tombées sur leurs champs.
Ensuite, ils tentent de mobiliser d'autres chercheurs et des
opérateurs téléphoniques de la zone tropicale, afin de mettre en
oeuvre l'idée dans d'autres pays. En mars 2015, ils ont organisé à
Ouagadougou un colloque international consacré au sujet. Ils espèrent que ce sera le premier d'une longue série.
Un point sensible sera l'établissement
d'un cadre juridique pour la communication par les opérateurs
téléphoniques de leurs données d'exploitations. Ceux-ci sont en
effet toujours prudents. En l'occurence, il ne s'agit pas de données
personnelles, à partir desquelles on pourrait obtenir des
informations privées sur les abonnés. Néanmoins, elles pourraient
renseigner sur la qualité du réseau d'éventuels concurrents,
susceptibles d'en tirer des arguments commerciaux.
Pour un schéma illustrant le principe, voir la page consacrée au projet sur le site de l'IRD.
De droite à gauche : François Zougmoré, Marielle Gosset et Frédéric Cazenave, en compagnie d'Albane Canto, d'Environnement Magazine.
De droite à gauche : François Zougmoré, Marielle Gosset et Frédéric Cazenave, en compagnie d'Albane Canto, d'Environnement Magazine.
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