jeudi 3 décembre 2015

AIMS Sénégal

Pour fêter leur anniversaire, certains scientifiques organisent des conférences! A moins que ce ne soient leurs collègues qui le fassent pour les honorer. Ainsi, du 25 au 27 novembre dernier, l'Institut Henri Poincaré, à Paris, a accueilli une conférence scientifique en l'honneur des 60 ans de Vincent Rivasseau, professeur à l'université Paris Sud.

Le programme était de haut niveau. J'y ai assisté le jeudi après-midi. J'ai réussi à suivre dans les grandes lignes la présentation de Jean-Michel Raimond, de l'Ecole normale supérieure, à Paris, consacrée à "l'exploration du monde quantique avec des atomes et des cavités" (le sujet a été abondamment vulgarisé, notamment ces toutes dernières années grâce au prix Nobel de Serge Haroche, dont Jean-Michel Raimond est le plus proche collègue). Par contre, je n'ai absolument rien compris à la conférence intitulée "A solvable QFt in 4 dimensions", présentée par Harald Grosse, de l'université de Vienne, en Autriche. Il faut savoir reconnaître ses limites.

La dernière conférence de l'après-midi portait sur les activités non purement scientifiques de Vincent Rivasseau. Daniel Iagolnitzer, l'un de ses anciens collègues, qui a fait la présentation, a mentionné leur collaboration dans l'organisation de plusieurs conférences, ainsi que la contribution de Vincent Rivasseau dans la création des "Séminaires Poincaré", surnommés Bourbaphy, en référence aux célèbres "Séminaires Bourbaki", des mathématiciens.

Mais ce qui m'a surtout intéressé fut la projection d'un petit film réalisé en 2013 au centre AIMS Sénégal de Mbour. Vincent Rivasseau a en effet été l'un des principaux artisans de la création de ce centre de l'African Institute of Mathematical Sciences, créé en Afrique du Sud par le cosmologiste Neil Turok, actuellement directeur de l'Institut Perimeter, à Waterloo, au Canada. L'objectif de cet institut est de donner une formation d'excellence en mathématiques et en physique théorique à de jeunes africains sélectionnés : une bourse leur permet de venir pendant environ deux ans dans l'un des centres (il y en a 5 actuellement en Afrique) et d'y suivre des cours dispensés par des enseignants, qui viennent chacun à leur tour, quelques semaines par an, en provenance du monde entier. Une équipe de tuteurs permanents encadre ces étudiants sur le long court.

J'aurai bien d'autres occasion de parler ici d'AIMS et de son programme "Next Einstein". Aujourd'hui, je vous invite à regarder vous aussi ce film de présentation, qui dure une vingtaine de minutes. On y voit bien entendu Vincent Rivasseau et Neil Turok, mais aussi Cédric Villani, directeur de l'Institut Henri Poincaré, que nous avons d'ailleurs croisé dans le couloir à la sortie de la conférence, toujours aussi avenant.



mercredi 25 novembre 2015

Une réunion à Paris

Dans le même esprit que ce que j'ai décrit dans mon précédent post, je propose à tous les étudiants africains en sciences actuellement en Île-de-France de participer à une réunion de créativité autour d'un projet de site Web d'informations sur la recherche scientifique et technologique menée en Afrique. Ce site leur est destiné, ainsi qu'à leurs collègues qui vivent en Afrique francophone. Ils ont donc particulièrement leur mot à dire.

Cette réunion aura lieu
mardi prochain, 1er décembre 
 à l'Institut Henri Poincaré, salle 01
de 16 heures à 18 heures. 

L'institut Henri Poincaré est au 11 rue Pierre et Marie Curie, dans le 5e arrondissement de Paris, sur le campus qui abrite aussi, entre autres, l'Ecole nationale supérieure de chimie de Paris et des locaux de l'Institut Curie. C'est le premier bâtiment sur la droite dans la cour.

J'y présenterai plus en détail le projet, ainsi que les premiers résultats de l'enquête sur le contenu du site. Et nous débattrons de différents aspects, dans une ambiance informelle. Si vous êtes originaire d'un pays africain, étudiant/es en science, que vous êtes concernés par l'information sur la science et la technologie du continent, n'hésitez pas à venir. N'hésitez pas non plus à inviter autour de vous toutes les personnes qui pourraient se sentir concernées.

La participation est libre, et vous pouvez vous décider au dernier moment. Mais l'organisation sera facilitée si vous voulez bien signaler votre venue, à l'adresse science.en.afrique@gmail.com

Cette réunion est organisée avec l'aide de l'Association pour la promotion scientifique de l'Afrique (APSA).

A bientôt!

Enquête

Depuis un mois et demi, je propose sur ce blog des informations sur la recherche scientifique produite en Afrique. Comme je l'ai indiqué sur la page "A propos de ce blog", ce n'est pas un simple exercice académique. Ce blog sert de teste et de "tour de chauffe" à un projet plus important dédié à la vulgarisation de la recherche scientifique et technologique produite en Afrique. Ce projet, qui prendra la forme d'un site Web, sera d'abord destiné à des internautes africains : les étudiants universitaires en science des pays d'Afrique francophone, ainsi que leurs enseignants, du secondaire et du supérieur.

L'objectif : soutenir le développement de la science et de la technologie en Afrique. De nombreuses initiatives sont conduites aujourd'hui sur le continent, par les pouvoirs publics ou par des organisations privées. Elle ne réussiront pleinement et ne dureront que si une bonne partie des populations concernées est informée de leur existence et de leurs résultats scientifiques, technologiques et humains.

Les grandes lignes de ce site sont tracées, mais pour l'adapter au mieux à son futur lectorat (enfin, il ne devrait pas y avoir que de la lecture), j'ai besoin du concours d'un maximum d'entre vous. J'ai produit une enquête en ligne, afin de mieux connaître les souhaits des personnes concernées. Plus cette enquête aura de réponses, plus elle sera significative.

La remplir ne prend que quelques minutes. En diffuser l'adresse autour de vous, à peine plus. je compte sur vous!

L'enquête est ici : http://bit.ly/1k3Zzn5

lundi 16 novembre 2015

Archéologie des migrations

Jeudi 12 et vendredi 13 toute la journée, j'ai assisté au colloque Archéologie des migrations organisé par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) au Musée national de l'histoire de l'immigration, à Paris. L'ensemble de ce colloque a été filmé, et les communications seront visible en principe d'ici quelques semaines sur le site web de l'INRAP. J'y reviendrai éventuellement à ce moment là, à propos de trois interventions concernant directement l'Afrique. Mais je veux en dire quand même quelques mots

D'abord, Augustin C. Holl, de l'université Paris-Ouest Nanterre, a présenté une excellente synthèse sur l'expansion bantu. Tout part d'une analyse linguistique, au milieu du XIXe siècle : une bonne partie de la moitié sud de l'Afrique est peuplée par des populations dont les langues appartiennent à la famille bantu (certaines populations du sud de l'Afrique parlent toutefois des langues de la famille khoisan).

L'idée que cette homogénéité linguistique soit due à une migration a été assez rapidement proposée. D'autant que la diffusion des langues bantu était associée à celles de l'agriculture, de la métallurgie et de l'élevage. L'origine de cette migration serait au nord-est de l'aire de répartition des langues bantu. Mais linguistes, historiens et archéologues butaient sur le trajet emprunté et la durée de l'expansion.

En résumé (je vous invite à vous reporter à la video de la communication d'Augustin C. Holl dès qu'elle sera disponible), on sait aujourd'hui deux choses :
- l'expansion des populations bantu a démarré un peu après 4000 avant le présent ;
- elle s'est produite à la faveur d'une disparition progressive de la forêt équatoriale humide, qui a été à son minimum d'expansion il y a 3 300 ans.

Les études menées notamment au Cameroun révèlent les variations des limites de la forêt équatoriale : à l'est du pays, cette forêt que l'on considère souvent comme "primaire" a en fait poussé sur des habitats humains! Ceux des Bantus qui se déplaçaient vers le sud. Une belle invitation à se méfier de ce qui nous semble avoir été là "de tout temps".

Ensuite, et je serai plus bref, Theresa Singleton, de l'université de Syracuse, aux Etats-Unis, a présenté ses travaux sur l'archéologie de l'esclavage transatlantique et de la diaspora africaine. Ou, plus précisément, comme elle le dit elle-même, des migrations forcées de populations africaines, ou originaires de ce continent, vers l'ouest.

Enfin, Krish Seetah de l'université Stanford, aux Etats-Unis, a parlé des débuts de l'archéologie à l'île Maurice. Cette île, comme de nombreuses autres dans l'océan Indien, était dépourvue de population autochtone à l'arrivée des européens, Néerlandais d'abord au XVIIe siècle, puis Français au XVIIIe siècle, enfin Anglais de 1810 à 1968. L'abolition de l'esclavage en 1933 sur l'île entraîna l'arrivée de nombreux travailleurs indiens (dont les conditions de travail n'étaient pas forcément meilleures que celles des esclaves). C'est cette histoire que tente de reconstituer Kris Seetah, avec ses collègues, en fouillant plusieurs constructions et cimetières du XIXe siècle.

Je ne peux pas terminer ce post sans évoquer les attentats de vendredi 13 à Paris. Ils rappellent tristement tous les autres attentats menés par l'Etat Islamique et ses affidés dans le monde entier. Le continent africain n'est hélas pas épargné, bien au contraire. Ils nous montrent que ce qui se passe dans les autres parties du monde nous concerne tous aujourd'hui.Le choc passé (et il y en aura d'autres), cela ne fait que renforcer ma détermination à soutenir le développement de la recherche scientifique et technologique en Afrique. Cela ne saurait suffire. Mais le développement de notre sens critique, le questionnement de nos croyances quelles qu'elles soient, leur réfutation éventuelle : voilà des ingrédients nécessaires pour un monde humain et fraternel.

dimanche 8 novembre 2015

Modéliser les bilharzioses pour mieux les éradiquer



Les réservoirs d'eau pour l'irrigation
favorisent la contamination.

Les bilharzioses sont des maladies parasitaires endémiques en Afrique tropicale et sub-tropicale. Pour prendre des mesures de lutte efficace à l'échelle de tout un pays, il faut savoir précisément comment ces maladies s'y diffusent. C'est pour répondre à cette question qu'une équipe de l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement, à Ouagadougou, au Burkina Faso, avec des collègues Suisses, Italiens et Américains a réalisé une modélisation couvrant tout le Burkina Faso. Leurs résultats soulignent en particulier que les retenues d'eau construites pour l'irrigation sont un important facteur de risque, qu'il faudra prendre en compte pour parvenir un jour à l'éradication.

Les bilharzioses sont provoquées chez l'homme par des vers du genre Schistosoma (ce qui leur vaut aussi le nom de schistosomiases). Une personne est contaminée lorsqu'elle est en contact avec de l'eau contenant des formes larvaires du ver nommées cercaires. Celles-ci pénètrent par les pores de la peau, et s'installent dans les vaisseaux sanguins, où elles se développent jusqu'au stade adulte. Les femelles pondent ensuite leurs oeufs dans des capillaires sanguins proches des intestins ou de la rate, en fonction de l'espèce.

Ces oeufs connaissent deux destins bien différents. Une partie d'entre eux créent des lésions des organes, et des réactions du système immunitaire. En bref, ils rendent malade la personne infectée, maladie qui peut aller jusqu'à la mort en l'absence de traitement.

L'autre partie des oeufs sont excrétés par les selles ou l'urine de la personne. Et s'ils arrivent dans de l'eau douce, ils peuvent pénétrer dans un mollusque, du genre Bulinus ou Biomphalaria. Celui-ci est infecté par le premier stade larvaire du schistosome, la miracidie. A l'abri dans le mollusque, les miracidies se développent en cercaires. Lorsque ces dernières sont relâchées dans l'eau, elles sont prêtes à infecter un nouvel hôte humain.

Des traitements médicamenteux existent pour prévenir le développement des schistosomes dans l'organisme. Mais sur les 261 millions de personnes qui en auraient eu besoin dans le monde en 2013, selon l'Organisation mondiale de la santé, un peu plus de 40 millions seulement en ont bénéficié. Au Burkina Faso, des campagnes massives de traitement médicamenteux ont été menées au milieu des années 2000. Mais bien qu'elles ont fortement réduit la prévalence des bilharzioses dans le pays, elles n'ont pas suffit à les éradiquer. Et surtout, dans certaines zones, cette prévalence est aujourd'hui revenue à 30%, son niveau antérieur au traitement.

Pour mieux comprendre quels sont les facteurs importants dans la diffusion de ces maladies parasitaires, les chercheurs ont donc décidé de modéliser, pour la première fois, leur diffusion à l'ensemble du Burkina Faso. Ils ont pour cela représenté le pays sous la forme de 10 592 agglomérations, et ils ont étendu un modèle déjà utilisé sur des zones géographiques restreintes. Celui-ci a la forme d'une série d'équations reliant des variables telles que la population des agglomérations, la mobilité des populations, la répartition spatiale des mollusques Biomphalaria pfeifferi (seule espèce retenue pour cette modélisation) ou encore les densités des différents stades larvaires dans l'eau.

En examinant quels sont les paramètres les plus importants pour expliquer la diffusion du parasite, et la réinfestation de zones où celui-ci est peu ou pas présent, ils se sont aperçu que la présence d'étendues d'eau est déterminante. En effet, celles-ci fournissent un habitat stable au mollusque, dont la présence est indispensable dans la chaîne de contamination. Dans un pays dont le nombre de retenues d'eau, surtout pour l'irrigation, a été multiplié par cinq depuis 60 ans, ce n'est pas anodin.

Les scientifiques font en particulier remarquer que la prévalence est généralement faible dans les zones les plus densément peuplées. Celles-ci correspondent aux zones urbaines, où il n'y a pas de maraîchage, d'agriculture ou de pêche, principales activités au cours desquelles les hommes sont contaminés. Mais elles correspondent aussi aux zones de départ et de destination des flux de déplacement les plus importants.

Ils alertent donc sur le risque de développer des retenues d'eau dans de telles zones. Le rôle de la mobilité humaine dans la réinfestation étant aussi mis en lumière par l'analyse de leur modèle, la conjugaison d'une forte mobilité et de conditions favorables au développement du parasite irait à l'encontre d'une éradication de celui-ci au niveau national.

jeudi 29 octobre 2015

L'information scientifique, facteur de paix?


« Les enjeux de la paix au-delà de 2015 » : c'était le titre de la conférence organisée mercredi 28 octobre 2015 par l'Institut Afrique Monde. L'orateur principal en était Frederico Mayor, ex-directeur général de l'UNESCO (de 1987 à 1999), et aujourd'hui président de la Fondation pour une culture de la paix, qu'il a créée en 2000. En réponse à une question sur l'éducation, il a insisté sur l'importance de celle-ci pour la démocratie. J'y ai trouvé un encouragement, même indirect, à mon engagement de vulgariser la science africaine.

L'éducation, a en effet précisé Frederico Mayor, ne doit pas concerner que les plus jeunes. Les adultes, en particulier ceux qui sont en situation de prendre des décisions pour la collectivité, doivent aussi être éduqués, changer leurs façons de faire. Ce serait, sinon, une bonne façon de prolonger un statu quo : le temps qu'une nouvelle génération arrive aux commandes, les responsables actuels pourraient continuer impunément à diriger un monde dans lequel chaque jour, 20 000 personnes meurent des conséquences de la faim tandis que 3 milliards de dollars sont dépensé en armement.

Etre éduqué, a-t-il poursuivi, c'est selon la définition de l'UNESCO, être libre et responsable. Libre de prendre ses propres décisions, et responsable de ces décisions devant les autres, présents et futurs. Une piste qu'il a indiqué, c'est le recours aux experts pour prendre des décisions informées. Comment, a demandé Frederico Mayor, des parlementaires peuvent-ils légitimement légiférer sur les OGM ou l'énergie nucléaire sans associer à leurs débats des scientifiques spécialistes de ces questions? Il n'a pas parlé de vulgarisation, mais on n'en était tout de même pas très loin.

L'intégralité de la conférence a été filmée. Nul doute qu'elle arrive prochainement quelque part sur le Web. Je renverrai vers le lien à ce moment là.

dimanche 25 octobre 2015

Energie solaire


Un réseau de chercheurs africains
veut développer la recherche sur l'énergie solaire.


Comme je l'ai annoncé dans le descriptif de ce blog, celui-ci me servira régulièrement à présenter les contours d'un projet lié à l'information sur la science qui se fait en Afrique et par des Africains. Après deux premiers billets d'actualité sur des travaux scientifiques, il me semble opportun de commencer à éclairer ce second point.

Au salon World Efficiency, après la remise des trophées de la recherche publique énergie environnement climat, l'IRD a tenu une petite conférence de presse, en présence de son PDG Jean-Paul Moatti. Cela m'a permis d'échanger avec les chercheurs de cet organisme et de l'université de Ouagadougou, au Burkina Faso, récompensés par l'un des trophées. Cela m'a aussi permis de rencontrer Arouna Darga, de l'université Pierre-et-Marie-Curie, venu féliciter son ancien professeur François Zougmoré.

Arouna Darga m'a expliqué qu'il mène des travaux de recherche dans le domaine des dispositifs photovoltaïques, qui convertissent l'énergie lumineuse du Soleil en énergie électrique. Il travaille au sein du Laboratoire de génie électrique de Paris, installé à Gif-sur-Yvette. Et l'équipe dont il est membre participe à l'Institut photovoltaïque d'Ile-de-France, partenariat entre des sociétés industrielles et des organismes publics de recherche. Il se trouve que je connais le directeur scientifique de cet institut, et même, d'ailleurs, le président. Cela a facilité le contact.

Quand j'ai parlé science en Afrique à Arouna Darga, il a bien voulu m'écouter. Et il m'a indiqué qu'il est membre (et même représentant pour la France) d'un réseau de chercheurs africains nommé ANSOLE (acronyme anglais pour « réseau africain pour l'énergie solaire »). le coordinateur du réseau est Daniel Ayuk Mbi EGBE, de l'université Johannes Kepler de Linz, en Autriche.

Je n'ai pas pris le temps d'enquêter sur ce réseau au-delà d'une visite sur son site Web. Si j'en crois celui-ci, il a des représentants dans une soixantaine de pays dans le monde, dont une bonne partie en Afrique même. Avec le soutien de l'ICTP, centre international de physique théorique installé à Trieste, en Italie, et de la TWAS (Académie des sciences du monde), il finance des voyages, des équipements, de la documentation, ainsi que l'organisation de journées scientifiques.

ANSOLE a ainsi réuni ses membres à Arusha, en Tanzanie, en juillet dernier. Le prochain rendez-vous est fixé au début de février 2016, à Sharm El-sheikh, en Egypte. INCORE 2016, conférence internationale sur l'énergie renouvelable fêtera les 5 ans du réseau. Les chercheurs qui souhaitent y présenter une communication doivent être en train de peaufiner leurs résumés : la date limite de dépôt est le 11 novembre prochain.

Pour ce qui me concerne, j'aurai d'autres voyages à faire à la même période, et je ne pourrai pas goûter aux joies de la science dans le cadre très agréable de la station balnéaire égyptienne. Mais je vais quand même essayer d'y avoir une correspondante ou un correspondant pour pouvoir en parler, sur ce blog ou sur un autre support qui pourrait être créé d'ici là. Prenons rendez-vous pour février.

vendredi 16 octobre 2015

Téléphone et pluies


Le réseau de téléphonie mobile
permet de mesurer les précipitations.


Les variations des signaux échangés par les antennes relais d'un réseau de téléphonie mobile permettraient-elles de connaître les quantités de pluie tombées dans la zone qui les sépare? C'est la question que se sont posée Marielle Gosset et Frédéric Cazenave, de l'Institut de recherche pour le développement, et François Zougmoré, de l'université de Ouagadougou, au Burkina-Faso. La réponse positive qu'ils ont apportée dans le cadre du projet Rain Cell Africa vient d'être récompensée par l'un des Trophées de la recherche publique énergie environnement climat, décernés par l'ADEME et ReedExpositions France, qui leur a été remis mardi 13 octobre à Paris.

Quand il pleut, connaître rapidement et précisément les quantités d'eau qui sont tombées sur des zones particulières est important pour l'agriculture, pour la gestion des réseaux d'évacuation, voire, dans des cas extrêmes, pour lancer des alertes aux inondations. Dans les pays du nord, tels que la France, des mesures sont réalisées à l'aide de radars, qui couvrent l'ensemble du territoire. Mais ce type de dispositif est coûteux, à installer et à maintenir.

Les micro-ondes utilisées par les radar ne sont heureusement pas une exclusivité de ces dispositifs. Les antennes relais des réseaux de téléphonie mobile communiquent aussi en échangeant ce type de signaux. En outre, comme l'explique François Zougmoré : « Afin d'assurer un service de bonne qualité, les opérateurs suivent de façon permanentes les variations de l'intensité des signaux qui transitent entre ces antennes. Il y a de nombreuses causes d'atténuation de celle-ci, mais la pluie est la principale. » Lorsque les micro-ondes traversent une zone de pluie, une partie est en effet diffusée par les gouttes liquides.

Grâce à la collaboration de l'opérateur Telecel Faso, les scientifiques ont eu accès à ces données techniques. Ils ont mis au point des algorithmes permettant de remonter, presqu'en temps réel, aux quantités de pluie mises en jeu. Puis ils ont testé la méthode, sur une distance de 29 kilomètres entre deux antennes, pendant toute la saison de mousson de 2012.

Des relevés directs de hauteur de pluie sur le terrain ont montré que la méthode fonctionne. Elle permet de détecter 95% des jours de pluie, avec une erreur de seulement 6% dans les quantités pour l'ensemble de la saison. Mieux, les chercheurs ont démontré qu'ils avaient une bonne précision pour une résolution temporelle de 5 minutes seulement. Ils ont publié ces résultats en août 2014.

Leurs objectifs, aujourd'hui, sont de deux ordres. Scientifiquement, d'abord, ils veulent encore améliorer leur méthode. « Pour le moment, nous savons quantifier ce qui est tombé entre deux pylônes, reprend François Zougmoré. Mais comme il y a une distribution des pylônes sur le territoire, nous voulons, avec des méthodes de spatialisation, améliorer la précision sur les endroits où tombe la pluie. »

Ensuite, ils comptent bien que leur méthode ne reste pas une curiosité. D'abord ils imaginent une application qui permettrait aux paysans burkinabés de connaître répidement, en envoyant un simple SMS, les quantités d'eau tombées sur leurs champs. Ensuite, ils tentent de mobiliser d'autres chercheurs et des opérateurs téléphoniques de la zone tropicale, afin de mettre en oeuvre l'idée dans d'autres pays. En mars 2015, ils ont organisé à Ouagadougou un colloque international consacré au sujet. Ils espèrent que ce sera le premier d'une longue série.

Un point sensible sera l'établissement d'un cadre juridique pour la communication par les opérateurs téléphoniques de leurs données d'exploitations. Ceux-ci sont en effet toujours prudents. En l'occurence, il ne s'agit pas de données personnelles, à partir desquelles on pourrait obtenir des informations privées sur les abonnés. Néanmoins, elles pourraient renseigner sur la qualité du réseau d'éventuels concurrents, susceptibles d'en tirer des arguments commerciaux.

Pour un schéma illustrant le principe, voir la page consacrée au projet sur le site de l'IRD.










 De droite à gauche : François Zougmoré, Marielle Gosset et Frédéric Cazenave, en compagnie d'Albane Canto, d'Environnement Magazine.

samedi 10 octobre 2015

Paludisme et végétation


Une plante tropicale sud-américaine favorise
la diffusion du paludisme en Afrique de l'est.


Le prix Nobel de physiologie/médecine 2015 a récompensé la chinoise Youyou Tu pour « ses découvertes concernant un nouveau traitement contre le paludisme ». Toutefois, aujourd'hui, la meilleure façon de ne pas souffrir du paludisme reste de ne pas se faire piquer par un moustique du genre Anopheles porteur du parasite à l'origine de la maladie. Or, Vincent Nyasembe, du Centre international de physiologie et d'écologie des insectes (ICIPE) de Nairobi, au Kenya, et ses collègues viennent de montrer, dans la revue scientifique PlosOne, qu'une plante originaire d'Amérique, qui a aujourd'hui envahi une bonne partie de l'Afrique, favorise la survie de ces moustiques.

Selon les plus récents chiffres donnés par l'OMS, en 2013, près de 200 millions de cas de paludisme ont été recensés dans le monde. Le continent africain paie le plus lourd tribut, avec près de 90% des 584 000 morts. Et 78% de ces morts sont des enfants de moins de 5 ans.

L'une des difficultés de la lutte contre le paludisme tient à son mode de transmission. La maladie est en effet causée par un parasite, du genre Plasmodium (4 espèces sont concernées). Mais une partie du cycle de vie de ce parasite se déroule dans l'intestin d'un moustique anophèle. En piquant une personne infectée, puis des personnes saines, ce moustique répand le paludisme.

Les anophèles, toutefois, ne se nourrissent pas seulement de sang. Comme bien d'autres insectes, ils apprécient les fleurs, qui leur fournissent, par leur nectar, sucres et protéines utiles à leur survie. Les entomologistes kényans et leurs collègues se sont demandés si l'envahissement de certains environnements par la plante Parthenium hysterophorus, originaire d'Amérique, pouvait influer sur cette survie.

Ils ont donc soumis des femelles (les mâles ne piquent pas l'homme) de l'espèce Anopheles gambiae à différents régimes alimentaires. Plus précisément, ils ont comparé leur survie à deux semaines lorsqu'elles se nourrissaient exclusivement sur des fleurs de Parthenium hysterophorus, ou de celles de deux autres plantes communes au Kenya, Ricinus communis, et Bidens pilosa. Résultats : Ricinus communis est la plus favorable, devant Parthenium hysterophorus ; Bidens pilosa, cultivée comme légume pour l'alimentation humaine, réussit en revanche beaucoup moins aux moustiques.

Une analyse chimique plus poussée du contenu des intestins des moustiques à différentes étapes de leur alimentation montre par ailleurs que Parthenium hysterophorus leur fournit plus de lipides que les deux autres plantes. Or les lipides interviennent à la fois dans la viabilité des oeufs et dans les interactions entre le moustique et le Plasmodium. Au-delà de la survie des individus, l'impact de Parthenium hysterophorus sur leur capacité à se multiplier et à favoriser le développement du parasite mériteraient d'être étudiés.

Cette étude incite, selon les auteurs, à lutter contre l'envahissement par Parthenium hysterophorus. Dans ce cas précis, ce n'est qu'une raison de plus : la plante est toxique pour l'homme et pour le bétail. Mais on pourrait plus largement s'interroger sur l'impact des cultures commerciales, qui attribuent d'immenses superficies à des plantes importées ou autrefois confidentielles, sur la survie des anophèles et la propagation du paludisme.